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Et si l’inflation permettait de réduire les inégalités ?
information fournie par Boursorama 17/01/2022 à 12:07

Frederic Leroux, membre du comité d'investissement stratégique de Carmignac. (photo : DR)

Frederic Leroux, membre du comité d'investissement stratégique de Carmignac. (photo : DR)

Par Frederic Leroux, membre du comité d'investissement stratégique de Carmignac


Depuis « le Capital au 21ème Siècle » de Thomas Piketty, il semblerait presque acquis que le capitalisme est une machine à créer des inégalités qui ne font que croître dans le temps. La solution à cette « dérive » serait une taxation accrue, ciblée sur les plus riches. C'est d'ailleurs à cette conclusion que parvient le Conseil d'Analyse Economique dans sa toute récente note sur les droits de succession, en s'appuyant sur la concentration continue du patrimoine des ménages depuis 30 ans. Les disparités salariales ne s'amplifiant pas, c'est le capital qui est prépondérant dans la constitution des inégalités. Il conviendrait donc de taxer davantage la transmission des plus gros patrimoines (même si ce sont ceux qui incluent les entreprises familiales, NDLR). La concentration des richesses semble si inéluctable à certains qu'elle les amène à se poser la question de la fin de l'histoire pour le capitalisme.

Le capitalisme a produit beaucoup de richesses et, ces dernières décennies, permis beaucoup de désinflation. Au même titre que la croissance ou le niveau d'endettement, l'inflation est un phénomène cyclique. La désinflation dont nous parlons a commencé au début des années 1980 quand la hausse des prix approchait les 15% sur un an. Le catalyseur de la désinflation fut une vigoureuse remontée par la Réserve Fédérale américaine des taux d'intérêt, rendue inévitable par l'inflation galopante. Plusieurs forces structurelles ont ensuite nourri la modération progressive de l'inflation : la structure démographique qui fournissait une main d'œuvre pléthorique et accroissait l'épargne disponible pour l'investissement et ses gains de productivité induits, la concurrence de la main d'œuvre des pays émergents qui légitimait dans les pays développés la rigueur salariale puis l'amazonification de l'économie qui pesait lourdement à la baisse sur les prix des biens au détail, pour ne citer que quelques-unes de ces forces désinflationnistes.

La désinflation entraîne dans son sillage la baisse des taux d'intérêt. La baisse des taux d'intérêt contribue au renchérissement du prix des actifs par son effet positif sur la valeur des dividendes et coupons futurs actualisés et facilite le recours à l'effet de levier financier pour qui peut fournir au prêteur un collatéral en garantie de ses nouvelles dettes : dans un cycle désinflationniste, le détenteur de capital est doublement favorisé. Pour le salarié, la désinflation est un cauchemar : s'il ne possède pas d'actifs, il ne profite aucunement de leur appréciation alors que son salaire est comprimé par la dynamique désinflationniste de la compétition internationale. A ce stade-là du cycle, le capitalisme semble sans issue prometteuse car il est excessivement inégalitaire. Pourtant, n'est-ce pas plutôt la désinflation – plus cyclique que capitaliste - qui accentue les inégalités ?

L'hypothèse du retour de l'inflation a ses mérites

Plutôt que remédier aujourd'hui aux inégalités par la taxation accrue de leurs principaux bénéficiaires, ne serait-il pas plus opportun de considérer que le cycle de l'inflation s'est retourné en 2021 et que le seul retour de la hausse des prix permettrait la réduction des inégalités ? L'hypothèse du retour de l'inflation a en effet ses mérites. D'abord, il aurait eu son catalyseur : les politiques monétaires et budgétaires expansionnistes mises en œuvre pour contrer les effets de la pandémie. Celles-ci auront recrée les conditions d'une possible boucle prix-salaires pour la première fois depuis des décennies.

Ensuite, pour l'enchaînement inflationniste, il convient d'observer la possible persistance des inflexions économiques, politiques et sociologiques récentes. Elles se matérialisent par un recul progressif de l'impératif d'efficacité économique au profit d'une logique plus inclusive : de l'énergie verte mais chère plutôt que de l'énergie à bon marché, des considérations ISR qui orientent davantage les politiques d'investissement de la finance mondiale que la recherche de rentabilité immédiate, des politiques économiques qui n'hésitent plus à creuser des trous béants dans les comptes publics pour le confort du plus grand nombre, des relocalisations de production, des ménages en recherche d'une vie différente…

Toutes ces inflexions recèlent un potentiel inflationniste structurel par une offre durablement contrainte d'énergie, de produits ou de main d'œuvre disponible. Elles rendent possible la revanche de Main Street sur Wall Street, celle du salarié sur l'actionnaire. Le premier verrait sa rémunération revalorisée par la disponibilité restreinte de la main d'œuvre. Le second verrait baisser la valeur de ses actifs sous l'effet de la hausse des taux d'intérêt qui auraient des effets démultipliés sur les actions des sociétés les plus généreusement valorisées. Laissons donc au cycle la possibilité de réduire les inégalités qu'il a lui-même engendrées. Attendons un peu avant de décréter la fin de l'histoire pour le capitalisme. C'est souvent au moment où il est le plus tentant de projeter linéairement les tendances passées que celles-ci se retournent. Et après 40 ans de désinflation…

7 commentaires

  • 18 janvier 11:55

    Les taux réels négatifs pénalisent les placements certes, mais l'immobilier et les actions montent avec l'inflation. Salaires et retraites ne sont pas indexés. L'inflation accroît les inégalités.


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